• t 25564 lg

     

     

     

     

    Tout est calme
    Pendant l'hiver
    Au soir quand la lampe s'allume
    A travers la fenêtre où on la voit courir
    Sur le tapis des mains qui dansent
    Une ombre au plafond se balance
    On parle plus bas pour finir
    Au jardin les arbres sont morts
    Le feu brille
    Et quelqu'un s'endort
    Des lumières contre le mur
    Sur la terre une feuille glisse
    La nuit c'est le nouveau décor
    Des drames sans témoin qui se passent dehors.

     

                       Pierre Reverdy


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  • Il pleut. J'entends le bruit égal des eaux ;
    Le feuillage, humble et que nul vent ne berce,
    Se penche et brille en pleurant sous l'averse ;
    Le deuil de l'air afflige les oiseaux.

    La bourbe monte et trouble la fontaine,
    Et le sentier montre à nu ses cailloux.
    Le sable fume, embaume et devient roux ;
    L'onde à grands flots le sillonne et l'entraîne.

    Tout l'horizon n'est qu'un blême rideau ;
    La vitre tinte et ruisselle de gouttes ;
    Sur le pavé sonore et bleu des routes
    Il saute et luit des étincelles d'eau.

    Le long d'un mur, un chien morne à leur piste,
    Trottent, mouillés, de grands bœufs en retard ;
    La terre est boue et le ciel est brouillard ;
    L'homme s'ennuie : oh ! Que la pluie est triste !

                                                 René-François Sully Prudhomme


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  • fregate-francaise-acheron-1200-zvezda-9034Qu'elle était belle, ma Frégate,
    Lorsqu'elle voguait dans le vent !
    Elle avait, au soleil levant,
    Toutes les couleurs de l'agate ;
    Ses voiles luisaient le matin
    Comme des ballons de satin ;
    Sa quille mince, longue et plate,
    Portait deux bandes d'écarlate
    Sur vingt-quatre canons cachés ;
    Ses mâts, en arrière penchés,
    Paraissaient à demi couchés.
    Dix fois plus vive qu'un pirate,
    En cent jours du Havre à Surate
    Elle nous emporta souvent.
    - Qu'elle était belle, ma Frégate,
    Lorsqu'elle voguait dans le vent !

             A. De Vigny


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  • etal-de-poisson---giuseppe-reccoDans la cuisine où flotte une senteur de thym,
    Au retour du marché, comme un soir de butin,
    S’entassent pêle-mêle avec les lourdes viandes
    Les poireaux, les radis, les oignons en guirlandes,
    Les grands choux violets, le rouge potiron,
    La tomate vernie et le pâle citron.
    Comme un grand cerf-volant la raie énorme et plate
    Gît fouillée au couteau, d’une plaie écarlate.
    Un lièvre au poil rougi traîne sur les pavés
    Avec des yeux pareils à des raisins crevés.
    D’un tas d’huîtres vidé d’un panier couvert d’algues
    Monte l’odeur du large et la fraîcheur des vagues.
    Les cailles, les perdreaux au doux ventre ardoisé
    Laissent, du sang au bec, pendre leur cou brisé ;
    C’est un étal vibrant de fruits verts, de légumes,
    De nacre, d’argent clair, d’écailles et de plumes.
    Un tronçon de saumon saigne et, vivant encor,
    Un grand homard de bronze, acheté sur le port,
    Parmi la victuaille au hasard entassée,
    Agite, agonisant, une antenne cassée.

                                                            Albert SAMAIN


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  • le-sommeil-de-venus---francois-boucherSommeil, fils de la Nuit, doux repos de notre âme,
    Qui fait ma belle Nymphe en son lit reposer,
    Puisque ton charme peut son esprit amuser,
    Plonge dans l'eau d'oubli le courroux qui l'enflamme.

    Fais-lui voir en dormant le regret qui me ronge,
    La portant au réveil de la haine à l'amour,
    Si bien qu'en revoyant la lumière du jour,
    Elle aille racontant mon offense pour songe.

    Je suis assez puni pour mon outrecuidance,
    M'ayant depuis un mois son logis défendu,
    Il est temps que son coeur de colère éperdu
    Ait autant de pitié que j'ai de repentance.

    Cher ami du silence, enchanteur agréable,
    Pour effacer mon crime et bannir mes travaux,
    Fais de ma vraie erreur un conte, un ombre faux,
    Comme tu rends le faux maintes fois véritable.

    Pour avoir découvert l'endroit inaccessible,
    En présence d'Amour et du lit seulement,
    En dois-je être puni si rigoureusement
    Que le juge en soit cause et l'acte irrémissible ?

    Hélas ! tiens aussi fort sa paupière pressée
    Que tu fis l'autre fois celle d'Endymion,
    Et nous serons tous deux, par cette invention,
    Moi beaucoup plus content, elle moins offensée. [...]

                              Simon-Guillaume de la Roque


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  • fond_ecran_automne_011.jpg

     

     

    Les sanglots longs
    Des violons
    De l'automne
    Blessent mon coeur
    D'une langueur
    Monotone.

    Tout suffocant
    Et blême, quand
    Sonne l'heure,
    Je me souviens
    Des jours anciens
    Et je pleure

    Et je m'en vais
    Au vent mauvais
    Qui m'emporte
    Deçà, delà,
    Pareil à la
    Feuille morte.

                         Verlaine

     


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  • !B-lT9V!EWk~$(KGrHqJ,!g4Ezd9iqNZ4BM9D4Qd9V!~~ 3 redimensionéjà le soir de sa vapeur bleuâtre
    Enveloppait les champs silencieux ;
    Par le nuage étaient voilés les cieux :
    Je m'avançais vers la pierre grisâtre.
    Du haut d'un mont une onde rugissant
    S'élançait : sous de larges sycomores,
    Dans ce désert d'un calme menaçant,
    Roulaient des flots agités et sonores.
    Le noir torrent, redoublant de vigueur,
    Entrait fougueux dans la forêt obscure
    De ces sapins, au port plein de langueur,
    Qui, négligés comme dans la douleur,
    Laissent tomber leur longue chevelure,
    De branche en branche errant à l'aventure.
    Se regardant dans un silence affreux,
    Des rochers nus s'élevaient, ténébreux ;
    Leur front aride et leurs cimes sauvages
    Voyaient glisser et fumer les nuages :
    Leurs longs sommets, en prisme partagés,
    Etaient des eaux et des mousses rongés.
    Des liserons, d'humides capillaires,
    Couvraient les flancs de ces monts solitaires ;
    Plus tristement des lierres encor
    Se suspendaient aux rocs inaccessibles ;
    Et contrasté, teint de couleurs paisibles,
    Le jonc, couvert de ses papillons d'or,
    Riait au vent sur des sites terribles.
    Mais tout s'efface, et surpris de la nuit,
    Couché parmi des bruyères laineuses,
    Sur le courant des ondes orageuses
    Je vais pencher mon front chargé d'ennui.

                           François-René de Chateaubriant


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  • Canicule

    Le soleil ronge les chairs de l’après-midi
    En banquet digne de la langueur des secondes.
    La dessiccation ambiante nous médit
    De l’importance de ces instants qui abscondent
    En lourdes volutes dans un flegme indécis.
    Et l’air et son imprégnation sonore inondent
    Le fond de mon être de besoins imprécis.

                                                                   Kieran Wall, Poésies, 2012


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  • 018Les bois épais, les sirtes mornes, nues,
    Mêlent leurs bords dans les ombres chenues.
    En scintillant dans le zénith d'azur,
    On voit percer l'étoile solitaire :
    A l'occident, séparé de la terre,
    L'écueil blanchit sous un horizon pur,
    Tandis qu'au nord, sur les mers cristallines,
    Flotte la nue en vapeurs purpurines.
    D'un carmin vif les monts sont dessinés ;
    Du vent du soir se meurt la voix plaintive ;
    Et mollement l'un à l'autre enchaînés,
    Les flots calmés expirent sur la rive.
    Tout est grandeur, pompe, mystère, amour :
    Et la nature, aux derniers feux du jour,
    Avec ses monts, ses forêts magnifiques,
    Son plan sublime et son ordre éternel,
    S'élève ainsi qu'un temple solennel,
    Resplendissant de ses beautés antiques.
    Le sanctuaire où le Dieu s'introduit
    Semble voilé par une sainte nuit ;
    Mais dans les airs la coupole hardie,
    Des arts divins, gracieuse harmonie,
    Offre un contour peint des fraîches couleurs
    De l'arc-en-ciel, de l'aurore et des fleurs.

                      Chateaubriant

     


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  • 025 redimensionner

    Démons et merveilles
    Vents et marées
    Au loin déjà la mer s'est retirée
    Et toi
    Comme une algue doucement caressée par le vent
    Dans les sables du lit tu remues en rêvant
    Démons et merveilles
    Vents et marées
    Au loin déjà la mer s'est retirée
    Mais dans tes yeux entrouverts
    Deux petites vagues sont restées
    Démons et merveilles
    Vents et marées
    Deux petites vagues pour me noyer.

     

      Jacques Prévert

     


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  • tomu7t98

    Qu'il soit encourtiné de brocart ou de serge,
    Triste comme une tombe ou joyeux comme un nid,
    C'est là que l'homme naît, se repose et s'unit,
    Enfant, époux, vieillard, aïeule, femme ou vierge.

    Funèbre ou nuptial, que l'eau sainte l'asperge
    Sous le noir crucifix ou le rameau bénit,
    C'est là que tout commence et là que tout finit,
    De la première aurore au feu du dernier cierge.

    Humble, rustique et clos, ou fier du pavillon
    Triomphalement peint d'or et de vermillon,
    Qu'il soit de chêne brut, de cyprès ou d'érable ;

    Heureux qui peut dormir sans peur et sans remords
    Dans le lit paternel, massif et vénérable,
    Où tous les siens sont nés aussi bien qu'ils sont morts.

                                  José-Maria de HEREDIA

                             

     


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  • Notre-Dame est bien vieille : on la verra peut-être
    Enterrer cependant Paris qu’elle a vu naître ;
    Mais, dans quelque mille ans, le Temps fera broncher
    Comme un loup fait un bœuf, cette carcasse lourde,
    Tordra ses nerfs de fer, et puis d’une dent sourde
    Rongera tristement ses vieux os de rocher !

    Bien des hommes, de tous les pays de la terre
    Viendront, pour contempler cette ruine austère,
    Rêveurs, et relisant le livre de Victor :
    — Alors ils croiront voir la vieille basilique,
    Toute ainsi qu’elle était, puissante et magnifique,
    Se lever devant eux comme l’ombre d’un mort !

                       Gérard de Nerval


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  • Il pleure dasmon coeur

    Il pleure dans mon coeur
    Comme il pleut sur la ville ;
    Quelle est cette langueur
    Qui pénètre mon coeur ?

    Ô bruit doux de la pluie
    Par terre et sur les toits !
    Pour un coeur qui s’ennuie,
    Ô le chant de la pluie !

    Il pleure sans raison
    Dans ce coeur qui s’écoeure.
    Quoi ! nulle trahison ?…
    Ce deuil est sans raison.

    C’est bien la pire peine
    De ne savoir pourquoi
    Sans amour et sans haine
    Mon coeur a tant de peine !

                                              Paul Verlaine
                                                           Romances sans paroles (1874)


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  • Joëlle est dans le chagrin, et c'est en pensant à son frère Maurice, qu'elle nous propose ce magnifique poème de Paul Eluard


    "J'ai cru pouvoir briser la profondeur l'immensité
    Par mon chagrin tout nu sans contact sans écho
    Je me suis étendu dans ma prison aux portes vierges
    Comme un mort raisonnable qui a su mourir
    Un mort non couronné sinpn de son néant
    Je me suis étendu sur les vagues absurdes
    Du poison absorbé par amour de la cendre
    La solitude m'a semblé plus vive que le sang
    Je voulais désunir la vie
    Je voulais partager la mort avec la mort
    Rendre mon coeur au vide et le vide à la vie
    Tout effacer qu'il n'y ait rien ni vitre ni buée
    Ni rien devant ni rien derrière rien entier
    J'avais éliminé le glaçon des mains jointes
    J'avais éliminé l'hivernale ossature
    Du voeu de vivre qui s'annule."


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  • daniellebellefroid 3792655 La sieste redimensionner

     

    Pas un seul bruit d'insecte ou d'abeille en maraude,
    Tout dort sous les grands bois accablés de soleil
    Où le feuillage épais tamise un jour pareil
    Au velours sombre et doux des mousses d'émeraude.

    Criblant le dôme obscur, Midi splendide y rôde
    Et, sur mes cils mi-clos alanguis de sommeil,
    De mille éclairs furtifs forme un réseau vermeil
    Qui s'allonge et se croise à travers l'ombre chaude.

    Vers la gaze de feu que trament les rayons,
    Vole le frêle essaim des riches papillons
    Qu'enivrent la lumière et le parfum des sèves ;

    Alors mes doigts tremblants saisissent chaque fil,
    Et dans les mailles d'or de ce filet subtil,
    Chasseur harmonieux, j'emprisonne mes rêves.

                                        José-maria DE HEREDIA


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  • e 105 lgcoute! – Ecoute ! – C’est moi, c’est Ondine qui
    frôle de ces gouttes d’eau les losanges sonores de ta
    fenêtre illuminée par les mornes rayons de la lune ;
    et voici, en robe de moire, la dame châtelaine qui
    contemple à son balcon la belle nuit étoilée et le beau
    lac endormi.

     

     » Chaque flot est un ondin qui nage dans le courant,
    chaque courant est un sentier qui serpente vers mon palais,
    et mon palais est bâti fluide, au fond du lac, dans le
    triangle du feu, de la terre et de l’air.

     

     » Ecoute ! – Ecoute ! – Mon père bat l’eau coassante
    d’une branche d’aulne verte, et mes soeurs caressent de
    leurs bras d’écume les fraîches îles d’herbes, de nénu-
    phars et de glaïeuls, ou se moquent du saule caduc et
    barbu qui pêche à la ligne !  »

     

    Sa chanson murmurée, elle me supplia de recevoir son
    anneau à mon doigt pour être l’époux d’une Ondine, et
    de visiter avec elle son palais pour être le roi des lacs.

    Et comme je lui répondais que j’aimais une mortelle,
    boudeuse et dépitée, elle pleura quelques larmes, poussa
    un éclat de rire, et s’évanouit en giboulées qui ruisse-
    lèrent blanches le long de mes vitraux bleus.

     

    Aloysius BERTRAND

     

    "Gaspard de la nuit"

     

     Tiphaine a étudié ce poème en Terminal . Elle se souvient l'avoir beaucoup aimé.


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  • Les ajoncs éclatants, parure du granit,
    Dorent l'âpre sommet que le couchant allume ;
    Au loin, brillante encor par sa barre d'écume,
    La mer sans fin commence où la terre finit.

    A mes pieds c'est la nuit, le silence. Le nid
    Se tait, l'homme est rentré sous le chaume qui fume.
    Seul, l'Angélus du soir, ébranlé dans la brume,
    A la vaste rumeur de l'Océan s'unit.

    Alors, comme du fond d'un abîme, des traînes,
    Des landes, des ravins, montent des voix lointaines
    De pâtres attardés ramenant le bétail.

    L'horizon tout entier s'enveloppe dans l'ombre,
    Et le soleil mourant, sur un ciel riche et sombre,
    Ferme les branches d'or de son rouge éventail.

     

            

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  • $(KGrHqJ,!hQE3vrBM3q5BN9-tGcDcQ~~ 4ature, rien de toi ne m'émeut, ni les champs
    Nourriciers, ni l'écho vermeil des pastorales
    Siciliennes, ni les pompes aurorales,
    Ni la solennité dolente des couchants.

    Je ris de l'Art, je ris de l'Homme aussi, des chants,
    Des vers, des temples grecs et des tours en spirales
    Qu'étirent dans le ciel vide les cathédrales,
    Et je vois du même œil les bons et les méchants.

    Je ne crois pas en Dieu, j'abjure et je renie
    Toute pensée, et quant à la vieille ironie,
    L'Amour, je voudrais bien qu'on ne m'en parlât plus.

    Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille
    Au brick perdu jouet du flux et du reflux,
    Mon âme pour d'affreux naufrages appareille.

     

                Paul Verlaine


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  • $(KGrHqJ,!k4E2D69214JBNud1brPWQ~~ 3Le temps a laissé son manteau
    De vent, de froidure et de pluie,
    Et s'est vêtu de broderie,
    De soleil luisant, clair et beau.

    Il n'y a bête ni oiseau
    Qu'en son jargon ne chante ou crie :
    Le temps a laissé son manteau
    De vent, de froidure et de pluie.

    Rivière, fontaine et ruisseau
    Portent en livrée jolie
    Gouttes d'argent, d'orfèvrerie;
    Chacun s'habille de nouveau:
    Le temps a laissé son manteau

     

                

                         René Charles d’Orléans

     

     


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  • matelot novice moussgfdsgeMousse : il est donc marin, ton père ?...
    - Pêcheur. Perdu depuis longtemps.
    En découchant d’avec ma mère,
    Il a couché dans les brisants...

    Maman lui garde au cimetière
    Une tombe - et rien dedans -
    C’est moi son mari sur la terre,
    Pour gagner du pain aux enfants.

    Deux petits. - Alors, sur la plage,
    Rien n’est revenu du naufrage ?...
    - Son garde-pipe et son sabot...

    La mère pleure, le dimanche,
    Pour repos... Moi, j’ai ma revanche
    Quand je serai grand - matelot ! -
    Baie des Trépassés.

     

                      Tristan Corbière


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  • Le front aux vitres

    Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin,

    Ciel dont j’ai dépassé la nuit,

    Plaines toutes petites dans mes mains ouvertes

    Dans leur double horizon, inerte, indifférent,

    Le front aux vitres comme font les veilleurs de chagrin,

    Je te cherche par-delà l’attente,

    Par delà moi-même,

    Et je ne sais plus tant je t’aime,

    Lequel de nous deux est absent.                                            

          Paul Eluard

    Sur proposition de Joëlle Mahé.  Merci Joëlle.


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  • ulysse

     

     

     

    Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage,
    Ou comme celui-là qui conquit la toison,
    Et puis est retourné, plein d'usage et raison,
    Vivre entre ses parents le reste de son âge !

    Quand reverrai-je, hélas, de mon petit village
    Fumer la cheminée, et en quelle saison
    Reverrai-je le clos de ma pauvre maison,
    Qui m'est une province, et beaucoup davantage ?

    Plus me plaît le séjour qu'ont bâti mes aïeux,
    Que des palais Romains le front audacieux,
    Plus que le marbre dur me plaît l'ardoise fine :

    Plus mon Loir gaulois, que le Tibre latin,
    Plus mon petit Liré, que le mont Palatin,
    Et plus que l'air marin la douceur angevine
    .

    Joachim du Bellay, Les Regrets


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  • 04 redimensionnerDe sa fourrure blonde et brune
    Sort un parfum si doux, qu'un soir
    J'en fus embaumé, pour l'avoir
    Caressé une fois, rien qu'une.

    C'est l'esprit familier du lieu;
    Il juge, il préside, il inspire
    Toutes choses dans son empire;
    Peut-être est-il fée, est-il dieu?

    Quand mes yeux vers ce chat que j'aime
    Tirés comme par un aimant,
    Se retournent docilement
    Et que je regarde en moi-même,

    Je vois avec étonnement
    Le feu de ses prunelles pâles,
    Clairs fanaux, vivantes opales,
    Qui me contemplent fixement.

      

                           Charles BAUDELAIRE

     


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  • Sur proposition de Joëlle Mahé: Merci Joëlle pour ce très beau poëme que je ne connaissais pas

     

    « Vous ne saurez jamais que votre âme voyage 

    Comme au fond de mon coeur, un doux coeur adopté ; 

     Et que rien, ni le temps, d’autres amours, ni l’âge, 

     N’empêcheront jamais que vous ayez été. 

      Que la Beauté du monde a pris votre visage, 

    Vit de votre douceur, luit de votre clarté, 

     Et que ce lac pensif au fond du paysage 

     Me redit seulement votre sérénité. 

      Vous ne saurez jamais que j’emporte votre âme 

    Comme une lampe d’or qui m’éclaire en marchant ; 

     Qu’un peu de votre voix a passé dans mon chant. 

     Doux flambeau, vos rayons, doux brasier, votre flamme, 

     M’instruisent des sentiers que vous avez suivis, 

     Et vous vivez un peu puisque je vous survis. » 

     

      Ecrit par Marguerite Yourcenar, après le décès d’André Fraugneau, Homosexuel aussi, dont elle était tombée amoureuse.


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  • Le gardien du phare aime trop les oiseaux Poème proposé  par Mimi

    Des oiseaux par milliers volent vers les feux
    Par milliers ils tombent par milliers ils se cognent
    Par milliers aveuglés par milliers assommés
    Par milliers ils meurent

    Le gardien ne peut supporter des choses pareilles
    Les oiseaux il les aime trop
    Alors il dit Tant pis je m'en fous !

     Et il éteint tout

    Au loin un cargo fait naufrage
    Un cargo venant des îles
    Un cargo chargé d'oiseaux
    Des milliers d'oiseaux des îles
    Des milliers d'oiseaux noyés.

                                        Jacques PREVERT


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  • Sur proposition de Joëlle

     

    Loin des vieux livres de grammaire,
    Ecoutez comment un beau soir,
    Ma mère m'enseigna les mystères
    Du verbe être et du verbe avoir.

    Parmi mes meilleurs auxiliaires,
    Il est deux verbes originaux,
    Avoir et Être étaient deux frères
    Que j'ai connus dès le berceau.

    Bien qu'opposés de caractère,
    On pouvait les croire jumeaux,
    Tant leur histoire est singulière.
    Mais ces deux frères étaient rivaux.

    Ce qu'avoir aurait voulu être
    Être voulait toujours l'avoir.
    A ne vouloir ni dieu ni maître,
    Le verbe Être s'est fait avoir.

    Son frère Avoir était en banque
    Et faisait un grand numéro,
    Alors qu'Être, toujours en manque
    Souffrait beaucoup dans son égo.

    Pendant qu'Être apprenait à lire
    Et faisait ses humanités,
    De son côté sans rien lui dire
    Avoir apprenait à compter.

    Et il amassait des fortunes
    En avoirs, en liquidités,
    Pendant qu'Être, un peu la lune
    S'était laissé déposséder.

    Avoir était ostentatoire
    Lorsqu'il se montrait généreux,
    Être en revanche, et c'est notoire,
    Est bien souvent présomptueux.

    Avoir voyage en classe Affaires.
    Il met tous ses titres à l'abri.
    Alors qu'Être est plus débonnaire,
    Il ne gardera rien pour lui.

    Sa richesse est toute intérieure,
    Ce sont les choses de l'esprit…
    Le verbe Être est tout en pudeur
    Et sa noblesse est à ce prix.

    Un jour à force de chimères
    Pour parvenir à un accord,
    Entre verbes ça peut se faire,
    Ils conjuguèrent leurs efforts.

    Et pour ne pas perdre la face
    Au milieu des mots rassemblés,
    Ils se sont répartis les tâches
    Pour enfin se réconcilier.

    Le verbe Avoir a besoin d'Être
    Parce qu'être, c'est exister.
    Le verbe Être a beaucoup d'avoirs
    Pour enrichir ses bons côtés.

    Et de palabres interminables
    En arguties alambiquées
    Nos deux frères inséparables
    Ont pu être et avoir été.

    Yves DUTEIL


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  • Il pleut. J'entends le bruit égal des eaux ;
    Le feuillage, humble et que nul vent ne berce,
    Se penche et brille en pleurant sous l'averse ;
    Le deuil de l'air afflige les oiseaux.

    La bourbe monte et trouble la fontaine,
    Et le sentier montre à nu ses cailloux.
    Le sable fume, embaume et devient roux ;
    L'onde à grands flots le sillonne et l'entraîne.

    Tout l'horizon n'est qu'un blême rideau ;
    La vitre tinte et ruisselle de gouttes ;
    Sur le pavé sonore et bleu des routes
    Il saute et luit des étincelles d'eau.

    Le long d'un mur, un chien morne à leur piste,
    Trottent, mouillés, de grands bœufs en retard ;
    La terre est boue et le ciel est brouillard ;
    L'homme s'ennuie : oh ! que la pluie est triste !

    Sully-Prudhomme


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  •  La cousine  

    L'hiver a ses plaisirs ; et souvent, le dimanche,
    Quand un peu de soleil jaunit la terre blanche,
    Avec une cousine on sort se promener…
    - Et ne vous faites pas attendre pour
    dîner,

    Dit la mère. Et quand on a bien, aux Tuileries,
    Vu sous les arbres noirs les toilettes fleuries,
    La jeune fille a froid… et vous fait observer
    Que le brouillard du soir commence à se
    lever.

    Et l’on revient, parlant du beau jour qu’on regrette,
    Qui s’est passé si vite… et de flamme discrète :
    Et l’on sent en rentrant, avec grand appétit,
    Du bas de l’escalier, - le dindon qui
    rôtit.

    Gérard de Nerval, Odelettes


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  •  Janvier ......

    Songes-tu parfois, bien-aimée,
    Assise près du foyer clair,
    Lorsque sous la porte fermée
    Gémit la bise de
    l’hiver,

    Qu’après cette automne clémente,
    Les oiseaux, cher peuple étourdi,
    Trop tard, par un jour de tourmente,
    Ont pris leur vol vers
    le Midi ;

    Que leurs ailes, blanches de givre,
    Sont lasses d’avoir voyagé ;
    Que sur le long chemin à suivre
    Il a neigé, neigé
    , neigé ;

    Et que, perdus dans la rafale,
    Ils sont là, transis et sans voix,
    Eux dont la chanson triomphale
    Charmait nos courses dans l
    es bois ?

    Hélas ! comme il faut qu’il en meure
    De ces émigrés grelottants !
    Y songes-tu ? Moi, je les pleure,
    Nos chanteurs du dernier p
    rintemps.

    Tu parles, ce soir où tu m’aimes,
    Des oiseaux du prochain Avril ;
    Mais ce ne seront plus les mêmes,
    Et ton amour attend
    ra-t-il ?

    François Coppée


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