• Le plus beau cadeau         Le plus beau cadeau

     

    Noël ! Que nous apportes-tu 

    Dans tes bras si fragiles ? 

    Un cheval ? Une automobile ? 

    Un Pierrot au chapeau pointu ? 

     

    Noël, que nous apportes-tu ? 

    Nous apportes-tu dans ta hotte 

    Des oranges, du chocolat, 

    du pain d'épices, des nougats 

    Des pralines, des papillotes ? 

     

    Qu'y a-t-il au fond de ta hotte ? 

    Des joujoux, bien sûr, c'est parfait 

    Et c'est si bon les friandises ! 

    Mais, dans tes menottes exquises 

    Trouverons-nous d'autres bienfaits ? 

    Noël, apporte-nous la Paix ! 

     

    Raymond Richard

     


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  • Noël, je veille Je veille. Ne crains rien.

    J'attends que tu t'endormes.

    Les anges sur ton front viendront poser leurs bouches.

    Je ne veux pas sur toi d'un rêve ayant des formes

    Farouches.

     

    Je veux qu'en te voyant là, ta main dans la mienne,

    Le vent change son bruit d'orage en bruit de lyre.

    Et que sur ton sommeil la sinistre nuit vienne

    Sourire.

     

    Le poète est penché sur les berceaux qui tremblent ;

    Il leur parle, il leur dit tout bas de tendres choses,

    Il est leur amoureux, et ses chansons ressemblent

    Aux roses.

     

     

    Victor Hugo

    L'art d'être grand-père (1877)

     


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  • ·        automne-alfons-mucha-5-419-iphone

             Je me souviens de toi telle que tu étais en ce dernier automne :
    un simple béret gris avec le cœur en paix.
    Dans tes yeux combattaient les feux du crépuscule.
    Et les feuilles tombaient sur les eaux de ton âme.

    Enroulée à mes bras comme un volubilis,
    les feuilles recueillaient ta voix lente et paisible.
    Un bûcher de stupeur où ma soif se consume.
    Douce jacinthe bleue qui se tord sur mon âme.

    Je sens tes yeux qui vont et l'automne est distant :
    béret gris, cris d'oiseau, coeur où l'on est chez soi
    et vers eux émigraient mes désirs si profonds
    et mes baisers tombaient joyeux comme des braises.

    Le ciel vu d'un bateau. Les champs vus des collines :
    lumière, étang de paix, fumée, ton souvenir.
    Au-delà de tes yeux brûlaient les crépuscules.
    Sur ton âme tournaient les feuilles de l'automne.

    Merci à Joëlle Mahé qui nous transmet ce magnifique poème de Pablo Neruda


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  • monogram 1 p

      

     

    Puisque là-bas s'entr'ouvre une porte vermeille,
    Puisque l'aube blanchit le bord de l'horizon,
    Pareille au serviteur qui le premier s'éveille
    Et, sa lampe à la main, marche dans la maison,

    Puisqu'un blême rayon argente la fontaine,
    Puisqu'à travers les bois l'immense firmament
    Jette une lueur pâle et calme que la plaine
    Regarde vaguement,

    Puisque le point du jour sur les monts vient d'éclore,
    Je m'en vais dans les champs tristes, vivants et doux ;
    Je voudrais bien savoir où l'on trouve une aurore
    Pour cette sombre nuit que nous avons en nous !

    Que fait l'homme ? La vie est-elle une aventure ?
    Que verra-t-on après et de l'autre côté ?
    Tout frissonne. Est-ce à moi que tu parles, nature,
    Dans cette obscurité ?

                                          Victor HUGO


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  • Les enfants qui s'aiment

    "Les enfants qui s'aiment s'embrassent debout
    Contre les portes de la nuit
    Et les passants qui passent les désignent du doigt
    Mais les enfants qui s'aiment
    Ne sont là pour personne
    Et c'est seulement leur ombre
    Qui tremble dans la nuit
    Excitant la rage des passants
    Leur rage, leur mépris, leurs rires et leur envie
    Les enfants qui s'aiment ne sont là pour personne
    Ils sont ailleurs bien plus loin que la nuit
    Bien plus haut que le jour
    Dans l'éblouissante clarté de leur premier amour."
      
    Jacques Prévert ( sur proposition de Joëlle Mahe   Merci  Joëlle pour ce joli poème

     


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  • En septembre

    Parmi la chaleur accablante
    Dont nous torréfia l’été,
    Voici se glisser, encor lente
    Et timide, à la vérité,

    Sur les eaux et parmi les feuilles,
    Jusque dans ta rue, ô Paris,
    La rue aride où tu t’endeuilles
    De tels parfums jamais taris,

    Pantin, Aubervilliers, prodige
    De la Chimie et de ses jeux,
    Voici venir la brise, dis-je,
    La brise aux sursauts courageux…

    La brise purificatrice
    Des langueurs morbides d’antan,
    La brise revendicatrice
    Qui dit à la peste : va-t’en !

    Et qui gourmande la paresse
    Du poëte et de l’ouvrier,
    Qui les encourage et les presse…
     » Vive la brise !  » il faut crier :

     » Vive la brise, enfin, d’automne
    Après tous ces simouns d’enfer,
    La bonne brise qui nous donne
    Ce sain premier frisson d’hiver ! « 

     

                                                      Paul Verlaine

     


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  •  !BrpSB0w!Wk~$(KGrHqUOKiUEvP35(H-TBL0i4e,Ej!~~ 3 redimensionignonne, allons voir si la rose
    Qui ce matin avoit desclose
    Sa robe de pourpre au Soleil,
    A point perdu ceste vesprée
    Les plis de sa robe pourprée,
    Et son teint au vostre pareil.

    Las ! voyez comme en peu d'espace,
    Mignonne, elle a dessus la place
    Las ! las ses beautez laissé cheoir !
    Ô vrayment marastre Nature,
    Puis qu'une telle fleur ne dure
    Que du matin jusques au soir !

    Donc, si vous me croyez, mignonne,
    Tandis que vostre âge fleuronne
    En sa plus verte nouveauté,
    Cueillez, cueillez vostre jeunesse :
    Comme à ceste fleur la vieillesse
    Fera ternir vostre beauté.

                         Pierre de Ronsard

     


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  • Le cancre

    Il dit non avec la tête
    mais il dit oui avec le cœur
    il dit oui à ce qu’il aime
    il dit non au professeur
    il est debout
    on le questionne
    et tous les problèmes sont posés
    soudain le fou rire le prend
    et il efface tout
    les chiffres et les mots
    les dates et les noms
    les phrases et les pièges
    et malgré les menaces du maître
    sous les huées des enfants prodiges
    avec les craies de toutes les couleurs
    sur le tableau noir du malheur
    il dessine le visage du bonheur.

                               Jacques PRÉVERT


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  • Mon cartable
    Mon cartable a mille odeurs,
    Mon cartable sent la pomme,
    Le livre, l'encre, la gomme
    Et les crayons de couleurs.
     
    Mon cartable sent l'orange,
    Le bison et le nougat,
    Il sent tout ce que l'on mange
    Et ce qu'on ne mange pas.
     
    La figue, la mandarine,

    Le papier d'argent ou d'or,
    Et la coquille marine,
    Les bateaux sortant du port.
     
    Les cow-boys et les noisettes,
    La craie et le caramel,
    Les confettis de la fête,
    Les billes remplies de ciel.
     
    Les longs cheveux de ma mère
    Et les joues de mon papa,
    Les matins dans la lumière,
    La rose et le chocolat.
     


                                                                        Pierre Gamarra


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  • 60 redimensionner

    Nous allions au verger cueillir des bigarreaux.
    Avec ses beaux bras blancs en marbre de Paros
    Elle montait dans l'arbre et courbait une branche ;
    Les feuilles frissonnaient au vent ; sa gorge blanche,
    O Virgile, ondoyait dans l'ombre et le soleil ;
    Ses petits doigts allaient chercher le fruit vermeil,
    Semblable au feu qu'on voit dans le buisson qui flambe.
    Je montais derrière elle ; elle montrait sa jambe,
    Et disait : "Taisez-vous !" à mes regards ardents ;
    Et chantait. Par moments, entre ses belles dents,
    Pareille, aux chansons près, à Diane farouche,
    Penchée, elle m'offrait la cerise à sa bouche ;
    Et ma bouche riait, et venait s'y poser,
    Et laissait la cerise et prenait le baiser.

     

                                                             Victor Hugo


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  • DSC62

    Plages vides, avec toujours les mêmes flots
    Poussant les mêmes cris et les mêmes sanglots
    De l'un à l'autre bout des rivages de Flandre ;
    Dunes d'oyats aigus, monts de sable et de cendre,
    Pays hostile et dur et féroce souvent,
    Pays de lutte et de ferveur, pays de vent,
    Pays d'épreuve et d'angoisse, pays de rage,
    Quand s'acharnent sur vous les tournoyants orages
    Et leurs vagues d'hiver dressant toujours plus haut
    Sous les brouillards leurs funèbres monuments d'eau,
    Soyez remerciés d'être tels que vous êtes,
    Tels que la mort, tels que la vie et ses tempêtes !
    C'est grâce à vous qu'ils sont fermes et durs, les gars,
    Qu'ils sont têtus dans le travail et dans la peine,
    Qu'ils font, sans le savoir, belle, la race humaine
    Qui marche à larges pas vers le péril hagard
    Avec le seul désir de vaincre un destin morne.
    C'est vous qui faites l'homme ardent, calme, hautain,
    Entre le danger d'hier et celui de demain,
    Quand le sombre équinoxe et ses ouragans cornent
    C'est grâce à vous que les filles aiment dûment,
    Malgré la crainte au coeur d'être trop tôt des veuves,
    Ceux qui s'en vont, sans se plaindre, dans l'âpre épreuve,
    Gagner le pain des jours, avec acharnement ;
    Et que toutes, à l'heure où les rudes tendresses
    Mêlent les chairs, au fond des chaumières, là-bas,
    Servent le franc repas d'amour aux hommes las
    De la brume sournoise et des houles traîtresses.
    Pays des vents de l'Ouest et des bises du Nord,
    Souffles chargés de sel et pénétrés d'iode,
    Vous imprégnez les corps rugueux de santé chaude
    Et vous armez de père en fils les peuples forts,
    Pour qu'ils marquent de leur vouloir autoritaire
    Le coin triste mais doux que leur offrit la terre.
    Et qu'importe, qu'au long des flots, la ville, un jour,
    Ait bâti ses maisons, ses dômes et ses tours
    Et ses palais pareils à des rêves de pierre.
    Filles et gars de Flandre, oh ! seuls, vous resterez
    D'accord avec l'embrun et les grands vents
    Et la rauque marée et ses vagues guerrières
    Vous êtes ceux du sol qu'on ne refoule pas,
    La mer a mis en vous sa force et sa folie,
    Vos yeux sont beaux et sa clarté froide et pâlie
    Et son rythme puissant et lourd pèse en vos pas.

    Même certains de vous, les plus hardiment braves,
    Charrient encor le sang des aïeux scandinaves
    Dans leurs gestes épars au loin, sur l'océan.
    Ils conservent en eux l'ardeur de ces géants
    Qui partaient vers la mort sur leurs vaisseaux en flammes,
    Sans focs, sans matelots, sans boussole, sans rames,
    Et se couchaient, à l'heure où le soir est vermeil,
    Ivres, dans un tombeau de flots et de soleil.

                                        Emile Verhaen


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  • Angoisse de l'aube

    Angoisse à hue et à dia
    Réveil martyrisé
    Pensées ombragées d’une mort qui nous guette
    Toujours
    Je ne saurais espérer un demain
    Immortalité du soleil
    Araignée
    Répétition d’une respiration éphémère
    Torpeur
    Ta présence maltraitée me soulage
    Je te demande pardon

                                                                               Sybille Rembard, 2008


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  •  

    Mars

     

     

     

     

     

     

    Mars

     

    Ah que Mars est un joli mois,
    C'est le mois des surprises.
    Du matin au soir dans les bois.
    Tout change avec les brises.

    " Mars " poème d'Alfred de Musset

    Le ruisseau n'est plus engourdi
    La terre n'est plus dure.
    Le vent qui souffle du midi
    Prépare la verdure.

    " Mars " poème d'Alfred de Musset 

    Le rossignol n'est pas venu
    Rempli de douces notes.
    Mais déjà sur le hêtre nu
    Résonnent les linottes.

    " Mars " poème d'Alfred de Musset 

    Par dessus la haie en éveil
    Fier des ses feuilles écloses
    On voit le pêcher au soleil
    Ouvrir ses bourgeons roses.

    " Mars " poème d'Alfred de Musset 

    Gelée et vent, pluie et soleil
    Alors tout a des charmes.
    Mars a le visage vermeil
    Et sourit dans ses larmes.


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    emain, dès l'aube, à l'heure où blanchit la campagne,

    Je partirai. Vois-tu, je sais que tu m'attends.
    J'irai par la forêt, j'irai par la montagne.
    Je ne puis demeurer loin de toi plus longtemps.

    Je marcherai les yeux fixés sur mes pensées,
    Sans rien voir au dehors, sans entendre aucun bruit,
    Seul, inconnu, le dos courbé, les mains croisées,
    Triste, et le jour pour moi sera comme la nuit.

    Je ne regarderai ni l'or du soir qui tombe,
    Ni les voiles au loin descendant vers Harfleur,
    Et quand j'arriverai, je mettrai sur ta tombe
    Un bouquet de houx vert et de bruyère en fleur.

    Victor Hugo


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  • Le temps a laissé son manteau....
    Le temps a laissé son manteau De vent, de froidure et de pluie, Et s’est vêtu de broderie, De soleil luisant, clair et beau. Il n’y a bête ni oiseau Qu’en son jargon ne chante ou crie : Le temps a laissé son manteau De vent, de froidure et de pluie. Rivière, fontaine et ruisseau Portent en livrée jolie Gouttes d’argent, d’orfèvrerie ; Chacun s’habille de nouveau : Le temps a laissé son manteau.

    Charles d'Orléans

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  • Brise marine

    La chair est triste, hélas ! et j’ai lu tous les livres.
    Fuir ! là-bas fuir! Je sens que des oiseaux sont ivres
    D’être parmi l’écume inconnue et les cieux !
    Rien, ni les vieux jardins reflétés par les yeux
    Ne retiendra ce cœur qui dans la mer se trempe
    Ô nuits ! ni la clarté déserte de ma lampe
    Sur le vide papier que la blancheur défend
    Et ni la jeune femme allaitant son enfant.
    Je partirai ! Steamer balançant ta mâture,
    Lève l’ancre pour une exotique nature !

    Un Ennui, désolé par les cruels espoirs,
    Croit encore à l’adieu suprême des mouchoirs !
    Et, peut-être, les mâts, invitant les orages,
    Sont-ils de ceux qu’un vent penche sur les naufrages
    Perdus, sans mâts, sans mâts, ni fertiles îlots …
    Mais, ô mon cœur, entends le chant des matelots !

                                                             Stéphane Mallarmé, Vers et Prose, 1893


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  • Notre heure

    Écoute le doux bruit de cette heure que j’aime
    Et qui passe et qui fuit et meurt en un poème !

    Écoute ce doux bruit tranquille et passager
    Des ailes de l’Instant qui s’envole, léger !

    Je crois que ma douleur n’est que celle d’un autre…
    Et cette heure est à nous comme une chose nôtre…

    Car cette heure ne peut être à d’autres qu’à nous,
    Avec son doux parfum et son glissement doux…

    Elle est pareille à la chanson basse qui leurre
    Et qui vient de la mer… Ah ! retenir notre heure !

    Ô triste enchantement de se dire : Jamais
    Je ne retrouverai cette heure que j’aimais !

                                                       Renée Vivien, Dans un coin de violettes, 1910


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  • Le matin des étrennes « Ah ! Quel beau matin, que ce matin des étrennes !
    Chacun, pendant la nuit, avait rêvé des siennes.
    Dans quelque songe étrange où l’on voyais joujoux,
    Bonbons habillés d’or, étincelant bijoux
    Tourbillonner, danser une danse sonore,
    Puis fuir sous les rideaux, puis reparaître encore.

    On s’éveillait matin, on se levait joyeux
    La lèvre affriandée, en se frottant les yeux…
    On allait, les cheveux emmêlés sur la tête
    Les yeux tout rayonnants, comme aux grands jours de fête
    Et les petits pieds nus effleurant le plancher,
    Au portes des parents, tout doucement toucher…
    On entrait !… Puis, alors, les souhaits … en chemise,
    Les baisers répétés, et la gaieté permise. »

                                                                         Arthur Rimbaud


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  • Poême au temps qui passe ...

    Déjà s’en sont allées les saisons, les années,
    Déjà ont disparu les semaines les mois,
    Déjà se sont enfuies les heures surannées,
    Déjà sont confondus hier et autrefois.

    Déjà s’est envolée l’insouciante jeunesse,
    Déjà sont oubliés les erreurs, les conflits,
    Déjà sont adoucies les anciennes tristesses,
    Déjà sont consolés les peines les soucis.

    Déjà passe le temps. Dans ma mémoire vaine,
    Déjà gisent les pleurs, les regrets, les soupirs ;
    Déjà le jour se meurt, déjà la nuit ramène
    Sa grande ombre étoilée de lointains souvenirs.

                                                                         Isabelle Callis-Sabot


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  • Parcours

    De la main lisse à la main fripéeune vie s’est écoulée
    De l’insouciance à la peur
    de la chasse aux papillons
    à celle de nos démons intérieurs
    le piège s’est refermé
    Dans la nuit de nos erreurs
    s’élève un cri :
    personne ne l’entend
    même si
    tout est silencieux
    C’est cela être vieux

                                                                    Kamal Zerdoumi


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  • Signe

    Je suis soumis au Chef du Signe de l’Automne
    Partant j’aime les fruits je déteste les fleurs
    Je regrette chacun des baisers que je donne
    Tel un noyer gaulé dit au vent ses douleurs
    Mon Automne éternelle ô ma saison mentale
    Les mains des amantes d’antan jonchent ton sol
    Une épouse me suit c’est mon ombre fatale
    Les colombes ce soir prennent leur dernier vol

                                                             Guillaume Apollinaire, Alcools, 1913


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  • Soupir

    Mon âme vers ton front où rêve, ô calme soeur,
    Un automne jonché de taches de rousseur,
    Et vers le ciel errant de ton oeil angélique
    Monte, comme dans un jardin mélancolique,
    Fidèle, un blanc jet d’eau soupire vers l’Azur !
    – Vers l’Azur attendri d’Octobre pâle et pur
    Qui mire aux grands bassins sa langueur infinie
    Et laisse, sur l’eau morte où la fauve agonie
    Des feuilles erre au vent et creuse un froid sillon,
    Se traîner le soleil jaune d’un long rayon.

                                                           Stéphane Mallarmé


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  • Vincent Van Gogh, La vigne rouge, 1888

    Les choses qui chantent dans la tête
    Alors que la mémoire est absente,
    Ecoutez, c’est notre sang qui chante…
    O musique lointaine et discrète !

    Ecoutez ! c’est notre sang qui pleure
    Alors que notre âme s’est enfuie,
    D’une voix jusqu’alors inouïe
    Et qui va se taire tout à l’heure.

    Frère du sang de la vigne rose,
    Frère du vin de la veine noire,
    O vin, ô sang, c’est l’apothéose !

    Chantez, pleurez ! Chassez la mémoire
    Et chassez l’âme, et jusqu’aux ténèbres
    Magnétisez nos pauvres vertèbres,

    Paul Verlaine


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  • BEM22Voici venu le froid radieux de septembre :
    Le vent voudrait entrer et jouer dans les chambres ;
    Mais la maison a l'air sévère, ce matin,
    Et le laisse dehors qui sanglote au jardin.

    Comme toutes les voix de l'été se sont tues !
    Pourquoi ne met-on pas de mantes aux statues ?
    Tout est transi, tout tremble et tout a peur ; je crois
    Que la bise grelotte et que l'eau même a froid.

    Les feuilles dans le vent courent comme des folles ;
    Elles voudraient aller où les oiseaux s'envolent,
    Mais le vent les reprend et barre leur chemin
    Elles iront mourir sur les étangs demain.

    Le silence est léger et calme ; par minute
    Le vent passe au travers comme un joueur de flûte,
    Et puis tout redevient encor silencieux,
    Et l'Amour qui jouait sous la bonté des cieux

    S'en revient pour chauffer devant le feu qui flambe
    Ses mains pleines de froid et ses frileuses jambes,
    Et la vieille maison qu'il va transfigurer
    Tressaille et s'attendrit de le sentir entrer...

     


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  • Ma bohémeJe m’en allais, les poings dans mes poches crevées ;
    Mon paletot aussi devenait idéal ;
    J’allais sous le ciel, Muse ! et j’étais ton féal ;
    Oh ! là ! là ! que d’amours splendides j’ai rêvées !

    Mon unique culotte avait un large trou.
    – Petit-Poucet rêveur, j’égrenais dans ma course
    Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
    – Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

    Et je les écoutais, assis au bord des routes,
    Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
    De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;

    Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
    Comme des lyres, je tirais les élastiques
    De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !

    Arthur Rimbaud, Cahier de Douai (1870)


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  •  

    Le dormeur du val

    C’est un trou de verdure où chante une rivière,
    Accrochant follement aux herbes des haillons
    D’argent ; où le soleil, de la montagne fière,
    Luit : c’est un petit val qui mousse de rayons.

    Un soldat jeune, bouche ouverte, tête nue,
    Et la nuque baignant dans le frais cresson bleu,
    Dort ; il est étendu dans l’herbe, sous la nue,
    Pâle dans son lit vert où la lumière pleut.

    Les pieds dans les glaïeuls, il dort. Souriant comme
    Sourirait un enfant malade, il fait un somme :
    Nature, berce-le chaudement : il a froid.

    Les parfums ne font pas frissonner sa narine ;
    Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine,
    Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit.

                                                                                            Arthur Rimbaud


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  • t 25564 lg-copie-1

     

     

     

     

     

    Ton silence m'enchante et ce semblant d'absence
    quand tu m'entends de loin, sans que ma voix t'atteigne.
    On dirait que tes yeux viennent de s'envoler,
    on dirait qu'un baiser t'a refermé la bouche.

    Comme tout ce qui est est empli de mon âme
    tu émarges de tout, pleine de l'âme mienne.
    Papillon inventé, tu ressembles à mon âme,
    tu ressembles aussi au mot mélancolie.

    Ton silence m'enchante et cet air d'être loin.
    Tu te plains, dirait-on, roucoulant papillon.
    Et tu m'entends de loin, sans que ma voix t'atteigne :
    laisse-moi faire silence dans ton silence.

    Laisse-moi te parler aussi par ton silence
    simple comme un anneau et clair comme une lampe.
    Tu es comme la nuit, constellée, silencieuse.
    Ton silence est d'étoile, aussi lointain et simple.

    J'aime quand tu te tais car tu es comme absente.
    Comme si tu mourais, distante et douloureuse.
    Il ne faut qu'un sourire, et un seul mot suffit
    à me rendre joyeux : rien de cela n'était.

     

                                      Pablo NERUDA


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  • 035S'il était le plus laid
    De tous les chiens du monde,
    Je l'aimerais encore
    A cause de ses yeux.

    Si j'étais le plus laid
    De tous les vieux du monde,
    L'amour luirait encore
    Dans le fond de ses yeux.

    Et nous serions tous deux
    Lui si laid, moi si vieux,
    Un peu moins seuls au monde,
    A cause de ses yeux.

     

    Pierre Mennanteau


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